Retour sur la conférence de Maurice Gourdault-Montagne pour CALIF

Plus d’une centaine de personnes s’est donnée rendez-vous le mercredi 25 janvier au Comet Meetings de Bourse pour assister à la cérémonie des vœux de CALIF, et à la conférence de Maurice Gourdault-Montagne autour de la parution de son ouvrage « Les autres ne pensent pas comme nous ».

Ancien secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, et ancien ambassadeur de France en Chine et au Royaume-Uni, entre autres, ce dernier a partagé ses souvenirs de 40 ans de carrière auprès des grands dirigeants de ce monde.

Le monde d’aujourd’hui

Alors que le conflit opposant l’Ukraine à la Russie semble devoir s’installer dans la durée, et que l’engagement des pays occidentaux à fournir des chars à l’Ukraine marque une nouvelle escalade dans l’affrontement, Maurice Gourdault-Montagne a rappelé l’objectif du camp occidental : non pas que l’Ukraine gagne, mais « que l’Ukraine ne perde pas la guerre ». Pour l’heure, l’Union européenne a su apporter son soutien financier et militaire à l’allié ukrainien sans devenir un cobelligérant ; un statu quo que la Russie se garde elle aussi de mettre en danger en entrant en conflit direct avec un pays membre de l’OTAN. Pourtant, le prolongement de la guerre inquiète bien au-delà de la sphère européenne, et notamment les pays d’Afrique, fortement touchés par la baisse des approvisionnements en céréales et engrais venus de Russie.

A l’heure où des ballons espions chinois survolent le territoire américain, la recomposition des équilibres géopolitiques se manifeste de façon toujours plus flagrante – confirmant, au passage, cette observation de l’ancien président du Conseil de sécurité des Nations Unies Kishore Mahbubani : « la parenthèse de domination occidentale du monde, qui a duré 400 ans, est en train de se refermer ». A l’hégémonie américaine se sont substitués deux blocs – l’un rassemblant les Occidentaux autour de l’alliance Etats-Unis-Europe, l’autre, autour de la Chine et de la Russie – autour desquels gravite le reste du monde, non-aligné ou plutôt « multi-aligné », selon Maurice Gourdault-Montagne. Pour l’Europe, cette nouvelle fracturation du monde se traduit par une équation réaliste mais complexe, dans laquelle la Chine est tout à la fois « un partenaire, un concurrent économique et un rival systémique ».

Le « non » à la guerre en Irak

Les nombreuses crises diplomatiques et internationales qui ébranlent le monde ont de quoi nous pousser à nous interroger sur le rôle de la France, et sur sa capacité à jouer un rôle déterminant dans ce qui s’affirme toujours plus clairement comme un monde multipolaire. Il y a de cela 20 ans, Dominique de Villepin prononçait à l’ONU un discours resté célèbre pour son refus d’entraîner la France dans une guerre avec l’Irak aux côtés des Etats-Unis. Aujourd’hui, Maurice Gourdault-Montagne juge que la partition du monde entre démocraties et pays illibéraux a conduit les puissances occidentales à « s’enfermer dans leurs alliances », et à s’enferrer dans une situation stratégique de défense très (trop ?) proche de celle des Américains. Dans une Union européenne dont 23 des 27 états sont également membres de l’OTAN, Maurice Gourdault-Montagne rappelle l’importance capitale pour la France de défendre ses propres intérêts, de savoir dire non, y compris à ses alliés, et de « rechercher des compromis équilibrés avec ceux qui ne pensent pas comme nous ».

Diplomatie et lobbying

Dans ce monde toujours plus fragmenté, et alors que certains acteurs étatiques ont fait de la désinformation un pilier de leur stratégie internationale, Monsieur Gourdault-Montagne revient dans son ouvrage sur la nécessité pour un diplomate d’aller chercher l’information au-delà de la sphère officielle derrière laquelle « il y a également un monde souterrain dont l’existence ne peut être occultée, sauf à vivre dans une bulle coupée de la vie réelle, à se priver d’une clé de lecture des évènements, des déclarations publiques, des rédactions individuelles utiles à la préservation de nos intérêts. » avant de conclure « Être diplomate, c’est aussi savoir fréquenter des lobbyistes, des intermédiaires souvent bien informés (…) ».