Arnaud Murgia : « Les Jeux servent à montrer au monde des solutions, des innovations »

Maire de Briançon et président de la communauté de communes du Briançonnais depuis 2020, Arnaud Murgia s’est imposé comme une figure politique locale écoutée et respectée. Elu au conseil départemental des Hautes-Alpes depuis 2014, il y siège aujourd’hui en tant que vice-président en charge de l’Aménagement du territoire. A ce titre, il est en première ligne sur le suivi des dossiers relatifs à l’organisation des Jeux d’hiver dans les Alpes françaises en 2030. Et alors que sa ville de Briançon accueille ce vendredi 27 juin, un Comité interministériel consacré à l’organisation de cet évènement, l’édile revient pour CALIF sur les ambitions du territoire pour la bonne tenue de ces Jeux et se projette sur l’après, entre réhabilitation du patrimoine et transformation dans la façon de vivre la montagne.

La vallée du Briançonnais pourrait sortir la plus métamorphosée de l’organisation des Jeux d’hiver 2030, n’ayant encore jamais été site olympique. Concrètement qu’est-ce que cela pourrait impliquer en termes d’aménagement ?

Cela veut dire développer en préservant le caractère naturel, sauvage parfois, de notre vallée. Nous y tenons, nous sommes la porte d’entrée du Parc National des Ecrins et voulons conserver cette identité. C’est d’ailleurs pour cela que je viens de faire voter un nouveau plan local d’urbanisme (PLU) qui – non sans mal – respecte le zéro artificialisation nette (ZAN). C’est aussi une garantie donnée aux habitants : on n’ira pas artificialiser et faire n’importe quoi à l’occasion des Jeux. A l’inverse, nous voulons capitaliser sur nos acquis et apporter des solutions aux problèmes qui paraissaient insolubles. Nos acquis, c’est qu’avec le ZAN, nous n’avons plus de foncier, mais nous avons des friches. Et notamment ce merveilleux Fort des Têtes que nous a légué Vauban et pour lequel personne n’a de solutions depuis des dizaines d’années. Nous allons en faire le village olympique, et montrer qu’on peut encore donner une vie nouvelle à notre patrimoine national, et en l’occurrence classé par l’UNESCO au Patrimoine Mondial. Et puis la vallée de Briançon et de Serre Chevalier fait plus de 20 km de long, nous avons 5 départs des pistes différents, et donc des embouteillages monstres pendant la saison. C’est pourquoi nous allons créer une « ligne olympique » pour y mettre un bus à haut niveau de service et mettre le paquet sur le transport en commun. Les Suisses l’avaient pensé avant nous dans leurs vallées avec le rail… Je veux un projet le plus innovant possible, et regarde beaucoup ce qui se fait dans des sites touristiques connus, comme par exemple au Mont-Saint-Michel, où un système de transport exemplaire et innovant existe.

La réhabilitation du fort des Têtes par la Solidéo justement est un des plus gros chantiers préparatoires de ces Jeux. Pourquoi est-ce important que l’argent investi serve à valoriser le patrimoine local ?

Nous avons raisonné à l’inverse. Il aurait été bien entendu plus simple de construire en neuf, ailleurs, mais on aurait encore laissé ce patrimoine s’écrouler, pierre après pierre. Je crois que ce projet peut être un symbole de ces JO. Et je le dis à celles et ceux qui ne connaissent pas le site, qui est merveilleux : venez voir, dès avant les Jeux ! J’espère que les meilleures entreprises françaises regarderont ce projet et répondront présentes.

Les présidents de Régions en première ligne sur ce dossier ne cessent d’invoquer « les premiers JO d’hiver durables ». N’est-ce pas un vœu pieux quand on sait que le massif se réchauffe déjà deux fois plus vite que le reste du pays ?

Les Alpes se réchauffent plus vite, comme toutes les montagnes du monde, car elles sont… plus hautes ! De fait, il faut faire naturellement deux fois plus d’efforts. Néanmoins, si le réchauffement climatique était un problème local, nous l’aurions réglé plus vite, malheureusement. Soyons donc ambitieux : les Jeux servent à montrer au monde des solutions, des innovations. Faisons le pour les JO d’hiver en mettant en avant des projets d’innovations en matière d’énergie verte par exemple. Et ca tombe bien, Serre Chevalier est pionnière en la matière, nous autoproduisons déjà plus de 30 % de l’énergie consommée sur notre domaine skiable grâce à du solaire installé sur les remontées mécaniques, de l’hydroélectricité qui turbine notre propre réseau de neige de culture pour produire plus d’énergie qu’on en consomme, et même de l’éolien. Montrons avec les JO 2030 qu’il y a des raisons d’espérer et une volonté pour avancer plus fort, plus vite, sur la transition.

D’ailleurs, plusieurs idées ont été avancées pour rendre ces Jeux les plus durables possibles (réduire le nombre de visiteurs, faire courir les sportifs par pools de dix pour une qualité de neige donnée etc.). Comment cette ambition d’adapter un événement à un projet de territoire – et non l’inverse – se manifeste-t-elle ?

Déjà, nous avons fait le choix d’avoir 4 sites entre Alpes du Sud et du Nord. On évitera la surmobilisation des moyens en un seul endroit. Ensuite, regardons ce qui a marché avec Paris 2024, qui a divisé par deux le bilan carbone des JO, pour la première fois de l’histoire. L’avantage des JO d’hiver, c’est qu’ils ont par nature moins d’impact, même si la pluie de la cérémonie d’ouverture de Paris pouvait faire concurrence à une soirée neigeuse et ventée, ici… Je suis certain que nous pourrons tenir cet objectif, qui est en tout cas un bel objectif.

Tu es un grand défenseur de la « montagne quatre saisons » et Briançon enregistre déjà 485 000 nuitées par an. Quel impact pourrait avoir l’accueil des Jeux d’hiver sur l’attractivité de la ville et de son territoire, déjà très dynamique avec le patrimoine architectural, la randonnée, le ski etc. ?

Briançon a de la chance car elle n’est pas « juste » une station de ski. Elle tire son développement du rail, avec PLM, puis du soin, avec le développement des sanatoriums qui nous a vus soigner la tuberculose ici pendant des dizaines d’années. Notre activité est donc déjà diversifiée. Mais c’est évidemment l’avenir de la montagne : être attractifs en toutes saisons. Et ca tombe bien, les Français aiment la montagne ! C’est d’ailleurs un chemin naturel, car finalement, la découverte de la montagne comme destination touristique est récente dans notre histoire. Les stations de ski, c’est un peu le début du siècle mais c’est surtout les années 60 et surtout 70-80. Regardez le développement hors normes des activités outdoor aujourd’hui, comme des marques : le Trail cartonne, il n’y a jamais eu autant d’ouvertures de salles d’escalade en France, la randonnée et l’itinérance font recette partout. Il y a beaucoup de raisons d’être optimiste, et quand je vois comment un jeune influenceur comme Inoxtag a réussi à populariser l’alpinisme, je me dis que nos montagnes doivent tout simplement s’ouvrir encore pour dire aux gens des villes qui n’osent pas passer le cap, de prendre un billet et de venir. Par exemple chez nous, en train de nuit !

Enfin, quels pourraient être l’empreinte économique et l’héritage des Jeux pour une ville comme Briançon ?

Celle d’une notoriété nouvelle, évidemment. J’y crois beaucoup. C’est toute une identité que nous allons construire autour des Jeux, celle d’une ville sportive, touristique, accueillante, et définitivement tournée vers l’avenir.

Crédit photo : Instagram